Thomas De Quincey (1785-1859), que Baudelaire a contribué à rendre célèbre en France, est l'auteur d'une oeuvre abondante, dont on retient habituellement Les Confessions d'un opiomane anglais et De l'Assassinat considéré comme un des beaux-arts. Les Derniers Jours d'Emmanuel Kant, un de ses textes les plus aboutis, sont incontestablement à ranger aux côtés de ces chefs-d'oeuvre. Ce n'est pas un hasard si Marcel Schwob, lui-même auteur de Vies imaginaires a traduit ce récit. Car si De Quincey s'est appuyé sur des mémoires de contemporains de Kant pour retracer la vie et surtout la fin du philosophe, c'est une véritable oeuvre de fiction qu'il bâtit, dont Kant est le personnage à la fois sublime et ridicule, saisi dans ce qu'il a de plus intime. On ne trouvera dans ce livre aucun développement sur sa philosophie mais une succession d'anecdotes révélatrices. De ce mélange d'ironie et de tendresse finit par se dégager une profonde mélancolie, celle du temps qui passe et détruit inexorablement les plus grands esprits.